Le château dans l’Histoire
Manoir féodal dont l’architecture se rattache plus au Moyen-Age qu’à la Renaissance, le château d’Ouge a été construit en 1553 par Jean de Thon, probablement à l’emplacement d’une maison seigneuriale plus ancienne. Jean de Thon appartenait à une famille de très vieille chevalerie originaire du Barrois (Vosges actuelles). C’était un petit seigneur, qui régnait sur une vingtaine de feux (ménages), soit le sixième seulement des habitants du village, les autres relevant des seigneurs qui se partageaient la baronnie de Chauvirey. Ceux-ci exerçaient la haute justice (crimes punis de mort), tandis que Jean de Thon ne rendait que la moyenne justice (délits punis du carcan) et la basse justice (contraventions sanctionnées par une amende). Un siècle plus tard, son arrière-petit-fils Pierre régnait sur 46 ménages, qui lui devaient chacun sept jours de corvée par an. Tous, sauf un, étaient de mainmorte, c’est-à-dire ne pouvaient léguer leurs biens qu’aux personnes vivant sous leur toit, sans quoi ceux-ci revenaient au seigneur. Pierre étant prêtre (il exerçait à Osselle, près de Besançon), ce fut l’arrière-petit-neveu de sa mère, Charles de Champagne, qui hérita du château et de la seigneurie à sa mort (avant 1685). Ce dernier les vendit en 1697. Le nouveau propriétaire, Jean-Etienne de Montessus, qui habitait jusque-là le château de Vitrey, vint s’installer au château d’Ouge avec sa famille en 1699, puis, à partir de 1705, le loua à François-Salomon Régent, fils d’un notaire de Chauvirey-le-Châtel, qui avait acheté quelques années plus tôt une petite portion de la baronnie de Chauvirey. François-Salomon Régent y mourut en 1723 et fut enterré dans l’église. Un an plus tard, sa fille Catherine-Françoise s’y maria avec un officier de dragons, François-Vincent Faivre, ancêtre de la famille du Bouvot (et de la famille Desandre). A partir de 1729, c’est l’amodiateur (c’est-à-dire l’intendant) de Jean-Etienne de Montessus, Jean Massin, qui s’installa au château. Jusqu’à la Révolution, les propriétaires nobles n’y firent plus que de courts passages. Après la mort, en 1793, du comte Antoine-François de Montessus (petit-fils de Jean-Etienne), le château fut laissé à l’abandon.
En 1833, les héritiers de la comtesse de Montessus vendirent toutes les propriétés qu’elle tenait de son mari à Charles-Auguste Leroy de Lisa (maire de Vesoul de 1830 à 1833). Ce dernier, très endetté, les revendit à son tour morceau par morceau. Le château d’Ouge fut ainsi acquis en 1838 avec 2,3 ha de terres par un couple d’agriculteurs d’Ouge, Jean-Baptiste Sol et Jeanne-Marie Aignelot, fille de Georges Aignelot, maire d’Ouge sous le Premier Empire. Les Sol entreprirent la restauration du château (agrandissement des fenêtres existantes et ouverture de nouvelles fenêtres ; charpente), mais, eux-mêmes très endettés (auprès de Jean-Etienne-Louis Roussel, fondateur du Syndicat de Gressoux), durent s’en séparer. Le château fut acquis en 1849 par Thérèse-Angélique Paulmard, née au village en 1806, et son deuxième mari, Pierre-Nicolas Dupuis, négociant en velours à Paris. Il est resté dans cette famille pendant cinq générations, jusqu’en 1980.
Deux femmes atypiques ont marqué l’histoire du château : au XVIIème siècle, ce fut Marguerite de Thon (1645-1700), nièce du seigneur-curé, qui, rompant avec son milieu, épousa successivement deux agriculteurs du village ; au XIXème siècle, ce fut Thérèse-Angélique Paulmard (1806-1857), dont on a parlé plus haut. “Montée” à Paris après la naissance d’un enfant de père inconnu, elle revint trente ans plus tard terminer sa vie dans son village natal.
Le château a survécu à tous les épisodes dramatiques que le village a connus : le passage, en 1595, du terrible “sire de Tremblecourt” (Louis de Beauvau), soudard lorrain au service de Henri IV ; le pillage et l’incendie du village en 1636 ; l’invasion des troupes coalisées en 1814, puis en 1815. En 1870, le château, comme d’autres maisons du village, a été occupé par des Prussiens, puis, en 1940-41, par des officiers allemands.
Aujourd’hui, le château et les jardins n’accueillent plus que de paisibles visiteurs. Le premier est inscrit depuis 1989 au titre des monuments historiques. Les seconds sont labellisés “remarquables”.